Le juste prix de la cession

Le juste prix de la cession
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Le juste prix de la cession

Parmi les nombreux sujets qui touchent à la cession d’entreprise, il y en a un qui sort du lot : le prix de cession. Toujours trop élevé pour l’acquéreur, mais trop faible pour le cédant, il fait l’objet des plus âpres négociations et des débats les plus animés.

Bien souvent, les parties se forment une idée erronée du prix. Certains acquéreurs pensent pouvoir faire une très bonne affaire en achetant à vil prix une pépite d’or. De nos jours, sous prétexte que les prix de cession ont chuté dramatiquement, ils sont enclins à faire des offres minimalistes, voire parfois vexatoires. D’autre part, certains cédants se font une idée surfaite de la valeur de leur entreprise. Flattés par des valorisations irréalistes et encouragés par des conseillers intéressés au statut quo, ils posent des exigences excessives. La légende du vieillard richissime – qui veut racheter à tout prix une entreprise pour le fils à papa – a la vie dure ! Autre scénario, le cédant fixe son prix uniquement en fonction de ses objectifs personnels de pension, sans tenir compte des chiffres de l’entreprise.

En réalité, s’il est exact que certains facteurs purement subjectifs peuvent jouer un rôle dans la négociation de prix, ces situations sont plutôt exceptionnelles. L’acquéreur peut avoir un coup de cœur pour l’entreprise, être convaincu de l’énorme potentiel de développement ou simplement offrir un prix excessif, vu la pression d’offres concurrentes. Au contraire, un cédant peut lâcher son entreprise à bon compte, vu son état de santé ou sa sympathie pour le repreneur. En général cependant, chaque partie veut obtenir le prix qui lui semble correct.

Quel est alors le “juste prix”? Et comment rapprocher les points de vue lorsque ceux-ci semblent diamétralement opposés? La clé de réussite dans les négociations de prix consiste à passer des désirs à la réalité, du subjectif à l’objectif. Car qui veut un accord, doit pouvoir entendre des arguments raisonnables. C’est ici qu’intervient la notion de valorisation. On a coutume de dire: “La valorisation n’est pas le prix.” Il convient toutefois de rajouter que: “La valorisation est souvent le point de départ du prix.” Plus la valorisation est bien préparée, plus on a de chance d’obtenir le juste prix. Les différentes méthodes de valorisation permettent d’établir une fourchette de prix argumentée. Selon les cas de figure, il convient de croiser différentes méthodes de valorisation et d’en faire la moyenne pondérée, la pondération étant également sujette à discussion.

Pour éviter les dérives, il est important que la négociation de prix soit encadrée par des professionnels de la transmission d’entreprise qui pourront, tout en défendant l’intérêt de leur client, rapprocher les points de vue en confrontant leurs valorisations. Si celles-ci ont été faites sérieusement, elles devraient ne pas trop différer l’une de l’autre.

L’acquéreur doit accepter de payer un prix correct qui reflète la valeur réelle des actifs faisant partie de la société, ainsi qu’un goodwill justifié par rapport à la rentabilité de l’entreprise. Il y a donc lieu de tenir compte des plus-values corrigées des latences fiscales. Le goodwill comprend l’ensemble des intangibles (marque, réputation, clientèle, pas de porte) et se valorise par rapport à la rentabilité récurrente. Donc, une entreprise en perte n’a pas de goodwill.

Il existe de très nombreuses méthodes de valorisation, mais la méthode la plus courante consiste à appliquer un multiple d’EbitDA (résultat d’exploitation + amortissements) corrigé de l’endettement net (dettes financières et dettes inter-groupe, moins les liquidités et les valeurs disponibles). Dans le domaine des PME, généralement un multiple de 4 ou de 5 est utilisé. Pour avoir une idée grossière de la valeur d’une PME, on peut donc utiliser la méthode suivante, très simple à utiliser :
4 ou 5 x EbitDA +/- Net Debt ou Net Cash.

Le cédant doit comprendre que le prix d’acquisition qui sera payé par l’acquéreur doit pouvoir se rembourser dans un délai raisonnable. La plupart des acquisitions sont financées par les banques et celles-ci exigeront une capacité de remboursement suffisante de l’entreprise sur un délai de 7 ans (durée maximale du crédit d’acquisition). L’effort propre généralement exigé est d’environ 25-30%. Ces paramètres permettent de valider simplement mais efficacement si le prix de cession demandé tient la route.

Le juste prix est donc le point d’équilibre qui sera atteint si chacune des parties peut entendre les arguments raisonnables de l’autre.

Illustration : Clou