Quand faut-il vendre son entreprise ?

Quand faut-il vendre son entreprise ?
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Quand faut-il vendre son entreprise ?

Il arrive assez fréquemment que l’on sollicite mon conseil quant au timing idéal pour vendre une entreprise. Cette question est plus particulièrement posée dans le contexte macro-économique incertain actuel. La crise financière qui secoue nos marchés depuis 2008 a évidemment des répercussions sur l’activité de cession d’entreprise. Voyant les résultats se détériorer ou les perspectives s’assombrir, de nombreux dirigeants de PME se découragent et décident de vendre leur entreprise.

Cette motivation, certes compréhensible, est toutefois dangereuse. Car l’acquéreur aura vite compris le peu de perspectives qu’offre l’entreprise et s’en détournera. Sans cash-flow futur, pas de crédit bancaire, donc les chances de réussir la cession sont minces. Ceux qui pensent pouvoir convaincre l’acheteur en masquant les chiffres perdent généralement toute crédibilité lorsque cette supercherie est découverte avant la cession (audit) ou courent droit au procès si c’est le cas après la cession (par le biais des garanties d’actif et de passif).

Le contexte de crise retient, par contre, une autre frange de candidats-cédants qui craignent que leur entreprise ne se vendra qu’à vil prix, voire pas du tout. S’il est vrai que les acquéreurs et les banquiers sont devenus plus prudents, il ne faut pas exagérer cette crainte. Notre expérience démontre que le marché des fusions et acquisitions reste très actif et que tout bon projet trouve du financement.

La crise amène de nombreux cadres expérimentés et de grande qualité à repositionner leur carrière professionnelle. Certains d’entre eux s’intéressent logiquement à la reprise d’une PME. Certes, la crise financière a eu pour effet que les valorisations ont baissé, mais toutefois dans des proportions limitées et variables selon le secteur.

A ce sujet, il est plus exact de considérer que les prix d’avant-crise étaient déraisonnables et que nous avons finalement connu une correction salutaire. Il me semble dès lors peu probable que les prix futurs augmentent de manière substantielle, à moins de connaître une nouvelle période “d’exubérance irrationnelle” des marchés.

D’autre part, le contexte fiscal actuel rajoute un élément d’incertitude pour celui qui envisage la cession de son entreprise.

Le risque de voir introduire une taxation des plus-values sur titres, pourtant très néfaste pour nos entreprises familiales, a déjà fait l’objet d’un article spécifique (LLE du 11 décembre 2010). Plus récemment, la note Di Rupo est venue malheureusement confirmer ce projet de taxation. Si la probabilité de voir cette taxe s’appliquer dans notre pays augmente, nul ne sait quand elle interviendrait ni quels en seraient les modalités et les taux d’application. Alors, quel est le bon moment de vendre son entreprise ? Faut-il attendre pour céder son affaire, ou au contraire, faut-il avancer au plus vite ? Les considérations macro-économiques et fiscales évoquées ci-dessus, certes non négligeables, me semblent cependant d’une importance secondaire par rapport à l’enjeu réel. Car le timing de la société et de ses actionnaires doit primer sur le contexte ambiant. Combien de petites PME n’ont-elles pas sombré lorsque le dirigeant fut victime d’un accident de santé ? Combien de dirigeants n’ont-ils pas attendu trop longtemps pour vendre, devenant finalement l’otage de leur société ? Il faut savoir tirer sa révérence à temps.

Et bien que le message soit largement diffusé, force est de constater que la plupart des dirigeants d’entreprise familiale n’ont pas suffisamment organisé leur succession. Etant le nez dans le guidon, ils en oublient parfois l’essentiel. Pourtant, une cession se prépare longtemps à l’avance. Les fonctions qu’occupe le cédant doivent être déléguées, afin qu’il puisse se rendre “dispensable”. La structure juridique doit être adaptée (p.ex.: sortie de l’immobilier non lié à l’activité). Si les résultats ont été fiscalisés, il peut être judicieux “d’habiller la mariée”, c’est-à-dire faire ressortir la rentabilité réelle dans les chiffres officiels.

Bref, il vaut mieux planifier la cession plusieurs années à l’avance afin que la cession puisse se dérouler dans des conditions optimales. Le chef d’entreprise qui décide à temps de prendre son sort en main aura beaucoup plus de chances de bien vendre. En maîtrisant le processus de cession, il pourra sans doute attirer plusieurs candidats. Cette mise en concurrence permet non seulement d’obtenir un meilleur prix, cela rassure aussi les candidats acquéreurs qui se disent que cette entreprise doit forcément être intéressante puisque d’autres s’y intéressent. La manière dont est organisé le processus de gestion donne une indication de la qualité de gestion de l’entreprise elle-même. Tous ces éléments, qui sont parfaitement sous le contrôle du dirigeant d’entreprise, sont souvent beaucoup plus pertinents que le contexte économique ambiant, qui reste, pour sa part, totalement imprévisible. Plutôt que de scruter le ciel pour savoir quel temps il fera, ce qui reste fort aléatoire, il vaut donc mieux prendre les devants.