Il faut réduire l’incertitude

Il faut réduire l’incertitude
  •  

Il faut réduire l’incertitude

Si fondamentalement le processus de cession est une période exaltante où les parties se font confiance et se jettent à l’eau, il y a bien souvent une phase plus délicate. Dès la signature de la lettre d’intention, lorsque les jeux sont presque faits, il reste un doute sur la bonne fin de l’opération. Est-ce que le financement sera obtenu ? Est-ce que l’audit se déroulera comme prévu ? La contrepartie ne changera-t-elle pas d’avis ?

Lorsque le processus prend du retard, même involontairement, ce doute peut véritablement miner la confiance entre les parties.

Il faut se rappeler que la lettre d’intention (LOI ou Letter of Intent) n’est en principe pas un contrat engageant. On parle généralement d’une lettre non liante (non binding). Cependant certaines clauses, plus ou moins musclées, peuvent y être ajoutées, afin de la rendre plus contraignante.

-Versement d’un acompte. Lorsque la somme est payée directement au vendeur, on parle d’un acompte et la vente est présumée réalisée. Si cette pratique est monnaie courante pour les opérations immobilière, l’utilisation d’un acompte est assez rare en matière de cession d’entreprise. En cas de litige, la récupération de cette somme peut s’avérer difficile. Or au stade de la LOI, il y a bien souvent encore des conditions suspensives qui ne permettent pas de prendre un engagement ferme.

-Constitution d’une garantie. Il s’agit également de bloquer une somme, mais cette fois entre les mains d’un tiers (notaire, banque, …). La constitution d’une garantie permet d’envisager plus sereinement de pouvoir récupérer la somme bloquée, notamment en cas de non réalisation d’une condition suspensive. Dans le cas d’une banque, il faut distinguer le compte bloqué traditionnel – comme on l’utilise par exemple pour une garantie locative – d’un compte séquestre (ou escrow account), où le tiers garant prend certaines obligations contractuelles. La rédaction de la convention de séquestre (escrow agreement) doit être faite avec soin, car celle-ci régira les éventuels conflits entre les parties.

-Clause pénale. La LOI peut prévoir le paiement d’une somme forfaitaire si l’une des parties n’exécute pas ses obligations contractuelles. Bien qu’il soit difficile en pratique de prouver l’inexécution fautive de la contrepartie, cette clause a bien souvent un effet dissuasif. A noter que le juge peut réduire le montant de la clause pénale s’il estime que celle-ci « excède manifestement » le montant du dommage (art. 1231 Code Civil).

-Clause de dédit (break-up fee). Cette clause est assez similaire à la clause pénale, sauf qu’elle est formulée de manière inversée. Moyennant une somme forfaitaire, l’acquéreur ou le cédant peut se rétracter. Lorsque le montant est faible, ce type de clause ne rassure bien évidemment pas la contrepartie. Il faut aussi se méfier d’un abus de droit qui consiste à ce que la contrepartie impose des nouvelles conditions, non prévues dans la LOI, afin de tenter de déclencher la clause de dédit et bénéficier de cette indemnité.

-Exécution forcée ou résolution avec dommages et intérêts. Le principe du choix entre l’une ou l’autre de ces sanctions est consacré par l’article 1184 du Code Civil qui régit tout contrat synallagmatique (contrat par lequel les parties prennent des engagements réciproques). Cette clause est bien souvent reprise dans les compromis d’achat immobilier et aussi dans certaines lettres d’intention en matière de cession d’entreprises. Observons toutefois qu’obtenir la cession forcée d’une entreprise est délicate dans la mesure où il y a des tiers (employés, clients, fournisseurs, …) en jeu.

L’insertion d’une telle clause – en remplaçant éventuellement les dommages et intérêts par une clause pénale forfaitaire – peut cependant avoir un effet dissuasif. Lorsque l’inexécution porte sur le paiement du prix ou d’une partie du prix, le juge peut condamner l’acheteur à payer la somme due sous peine d’astreinte. Une saisie conservatoire sur les biens privés de l’acheteur peut alors être envisagée, ce qui met la partie condamnée dans une situation inconfortable.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, une lettre d’intention peut donc parfaitement contenir certains engagements fermes. Et même lorsqu’il n’y a pas de clause précise qui assure la bonne fin, le principe d’exécution de bonne foi des contrats reste d’application. Aussi, la partie qui manifestement n’exécute pas ses engagements risque de se voir attaquée en responsabilité et devoir réparer le dommage qu’elle a fait subir à la contrepartie par son comportement négligent. Les clauses évoquées ci-dessus permettent cependant d’anticiper cette situation et de l’éviter au maximum. Mieux vaut en effet bien réfléchir à l’avance et s’engager à bon escient.

Tanguy della Faille

FB TRANSMISSION

tanguy.della.faille@fb-transmission.com